Va-t-on vers un assouplissement dans l’admission de conclusions en réponse de la part de l’appelant principal répondant à un appel incident formé par l’intimé, mais notifiées au-delà du délai fixé par les articles, soit 905 du Code de Procédure Civile en cas de circuit court, soit 908 du Code de Procédure Civile et 909 du Code de Procédure Civile dans le cadre d’une procédure suivi avec le Conseiller de la mise en état ?

 

Les articles 905-2 et 909 du Code de Procédure Civile précisent que dans le cadre d’un circuit court, l’appelant répondant à un appel incident dispose du délai d’un mois à compter des conclusions de l’appelant incident pour répliquer, et d’un délai de trois mois dans le cadre d’un appel relevant de l’article 909 du Code de Procédure Civile.

 

L’examen de la jurisprudence tirée des décisions de la Cour d’Appel de RENNES révèlent que cette règle était strictement appliquée.

 

Il pourrait être prétendu qu’il y avait presque un « systématisme » à partir du moment où le délai n’avait pas été respecté, sans que l’on ne s’attache précisément au point de savoir s’il ne s’agissait pas pour l’appelant de reprendre son argumentation, de la compléter, voire de faire une réponse à un problème sous-jacent et virtuellement inclus dans ses premières conclusions.

 

Le systématisme du rejet était davantage la règle.

 

Cette position semble se modifier au regard d’une récente décision rendue par la Cour d’Appel de RENNES au mois d’octobre 2018 sur déféré d’une ordonnance du Conseiller qui avait estimé, les écritures notifiées au-delà des délais, comme irrecevables.

 

La position de la Cour se comprend-t-elle mieux, au regard d’un premier arrêt rendu par la Cour de Cassation le 4 juin 2015, lequel indiquait en substance, « qu’en l’absence de calendrier de procédure fixé par le Conseiller de la mise en état, à l’occasion de l’examen de l’affaire auquel il procède après l’expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces, les parties peuvent jusqu’à la clôture de l’instruction invoquer de nouveaux moyens et conclure à nouveau, en déclarant les écritures irrecevables la Cour d’Appel a violé l’article 912 du Code de Procédure Civile. »

 

Un second arrêt, rendu par la 3ème Chambre de la Cour de Cassation le 2 juin 2016, est venu affiner ce qu’il fallait entendre par conclusions en réponse à un appel incident.

 

Ainsi, la Cour de Cassation de préciser :

 

« pour déclarer irrecevables les conclusions déposées les 5 et 27 décembre 2012, l’arrêt retient que l’intimé avait formé un appel incident le 24 septembre 2012, de sorte que l’appelant disposait d’un délai expirant le 24 novembre 2012 pour déposer ses conclusions.

 

Qu’en statuant ainsi sans rechercher, comme il le lui était demandé, si ces conclusions répondaient à l’appel incident de Madame X, ou s’ils n’étaient pas destinées au moins en partie à développer l’appel principal de Monsieur Y, la Cour d’Appel n’a pas donné de bases légales à sa décision : casse et annule. »

 

Sur déféré, la Cour d’Appel de RENNES s’est attachée à l’analyse des conclusions pour estimer qu’elles se rattachaient aux premières écritures, et qu’elles ne constituaient pas à proprement parlé d’une réponse à un appel incident, et de préciser que ces conclusions complétaient la partie dans laquelle elle contrait la défense de l’intimé sans répondre à l’appel incident, et d’ajouter que le dispositif était resté inchangé.

 

L’arrêt de la Cour de préciser :

 

« l’ordonnance sera donc infirmée sur ce point, les conclusions du 5 mars 2018 étant recevables puisqu’elles ne répliquent pas à l’appel incident du 15 novembre 2017. »

 

Il en résulte, me semble-t-il, une évolution de la jurisprudence rennaise pour appliquer la jurisprudence de la Cour de Cassation, et suivre une ligne plus souple, en ce sens qu’elle oblige les Conseilleurs et les Cours à ne pas faire du systématisme à partir de la date de notification, mais à y regarder de plus près les conclusions complémentaires prises par l’appelant principal, et de procéder à une véritable analyse de ces conclusions.

 

On peut prétendre qu’il appartient dorénavant, non plus à l’appelant principal de faire la preuve qu’il s’agit, non pas d’une réponse à un appel incident, mais davantage à l’intimé de faire la preuve que les rajouts et la réponse constituent une réponse à un appel incident, le tout relevant de l’appréciation souveraine des magistrats de la Cour.

 

L’arrêt rendu apporte également une réponse en ce sens qu’après que l’appelant principal ait établi des conclusions le 5 mars 2018, il avait également établi plus tardivement un 3ème jeu d’écritures.

 

La réponse de la Cour laisse opérer de ce qu’un incident de rejet devra être introduit pour chaque jeu de conclusions, puisque présentement la Cour, s’agissant des conclusions postérieures à celles qui étaient critiquées, précisait :

 

« s’agissant des conclusions postérieures de la société X, l’intimée n’argue d’aucun moyen d’irrecevabilité de sorte que sa demande tendant à les voir déclarer irrecevables sera également rejetée. »

 

Là encore, c’est une évolution par rapport à certaines décisions antérieures et qui indiquaient très clairement que plusieurs jeux d’écritures notifiés après un premier jeu d’écritures rejeté n’était pas autorisé.

 

Il s’agit là d’une évolution positive et bienvenue :

 

  • Cour de Cassation : 2 juin 2016 – 15/12 834
  • Cour de Cassation : 2ème Ch. 4 juin 2015 – 14/10 548
  • Arrêt CA RENNES du 19 octobre 2018, 2ème Chambre – RG 18/05847 : sur demande